Dans la Gaule antique, le territoire d'Aveize faisait partie du pays des Ségusiaves, qui peuplaient la rive droite du Rhône, alors que de l'autre côté, les Allobroges occupaient le pays appelé Sapaudia, le pays des sapins, qui donnera la Savoie.
Quand les Romains occupèrent le territoire, ils exploitèrent dès lors des mines d'argent au lieu dit l'Argentière. Plusieurs noms des alentours rappellent l'occupation romaine, et des lieux d'implantation, comme Courtine, Châtelard et notamment Montromant.
Ces mines sont sur les terres d'Avetius (Avetius terras), un romain qui aurait ainsi donné son nom à Aveisia, tel qu'il est écrit au mois d'avril 973, puis aujourd'hui Aveize.
En 1273, le noble Damoiseau Aymond de Coise est propriétaire d'un domaine à proximité des mines d'argent, au lieu dit l'Argentière. Avant de décéder en mai, il rédige un testament où il souhaite offrir une éducation religieuse à des jeunes filles nobles, dont ses trois propres filles. Il lègue ainsi sa fortune qui devra être investie dans la construction d'un prieuré sur ses terres.
L'initiative d' Aymond de Coise fera des émules et les dons affluèrent pour mener à bien cette grande œuvre. La première prieure fut donc sa fille aînée et elle acquit des rentes et des biens pour assurer la vie matérielle de son couvent.
La construction terminée, elle avait vraiment l'air d'un petit château, et c'est ainsi qu'on l'appelait dans toute la contrée. Avec ses tourelles, ses hourds en bois, ses mâchicoulis, son pont levis qui enjambait le ruisseau de Coise, ce monastère avait une belle allure féodale.
La fondation du monastère fut un bienfait pour le pays. Notre Dame de Coise en l'Argentière devint un lieu de pèlerinage fort fréquenté.
En même temps, le monastère jouissait d'une autorité territoriale.
En cette année 1448, une grande animation agite un peu plus ce hameau. En effet, Jacques Cœur, le célèbre argentier du roi Charles VII, reprend l'exploitation des mines de plomb argentifère. En 1455, Jacques Cœur entre en disgrâce et ses biens sont confisqués. En octobre 1456, ses mines sont rendues à ses enfants mais seront bientôt abandonnées, leur rendement n'étant pas assez rémunérateur. Une dernière tentative de reprise fut pratiquée en 1860. Il en reste aujourd'hui quelques traces.
Le 2 janvier 1869, commence la construction du puits de charbon de l'Argentière. Il sera arrêté à une profondeur de 475 mètres. En 1900, la mine employait à l'intérieur 126 ouvriers et 2 chevaux. A l'extérieur, il y avait 43 ouvriers et 3 chevaux. L'exploitation de ce puits a été arrêtée en 1909.
Vers le milieu du 18ème siècle, l'Archevêque de Lyon, Monseigneur Malvin de Montazet, voudrait faire fermer le prieuré de l'Argentière, prétextant le peu de religieuses, pour asseoir un peu plus son autorité. En effet, à cette époque, elles ne sont que cinq : Mme Françoise de Rochemonteix, Mme Antoinette Eléonore des Gouttes de Cognes, Mme Antoinette-Louise de Thy, Mme Jeanne Marie de Charbonnet de Pélousac et Mme Marie-Françoise l'Evêque de Bretteville.
Il y en a alors quatre dans le diocèse de Lyon : l'Argentière, Alix, Salles en Beaujolais et Leigneux dans la Loire et le prélat voudrait en supprimer. Sur ses recommandations, Louis XV adresse donc en août 1762 à la prieure une lettre de cachet lui ordonnant de ne plus recevoir de novices.
C'était un véritable arrêt de mort pour la communauté. Mme Bernadine Charlotte du Bourg, prieure de 1759 à 1766 et Mme Marie Louise de Mouchet de Beaumont qui lui succéda luttèrent de toutes leurs forces pour l'existence de leur maison. Heureusement, il fut prouvé que le monastère de l'Argentière n'était pas pauvre, que les bâtiments étaient en bon état et l'Archevêque consentit à se ressaisir.
Le 21 mai 1776, un événement se produisit qui allait changer le cours des choses. Marie Madeleine de Gayardon de Fenoyl, agrégée au chapitre noble de Leigneux, est reçue chanoinesse et devient prieure de l'Argentière. Elle fait tout pour donner une nouvelle vie à cette vénérable maison qu'elle connaissait et aimait depuis son enfance.
Grâce à ses relations, à l'influence dont elle jouit à la cour du roi, elle obtient de Louis XVI, au mois de juin 1777, des lettres patentes qui érigent en Chapitre Noble le modeste monastère.
Monsieur, frère du roi, le futur Louis XVIII, se déclare protecteur du Chapitre, promet et donne, ainsi que Louis XVI des sommes très importantes. Mme de Fenoyl engage une bonne partie de sa fortune personnelle, et, le 13 octobre 1777, l'Archevêque de Lyon qui avait tout fait pour faire fermer cet établissement pose la première pierre de la nouvelle construction.
Ces bâtiments, élevés pour servir de maison de prière aux filles nobles des grandes familles de France allaient connaître une haute destinée.
C'est un très beau bâtiment qui va devoir s'élever, avec au centre une chapelle, et de chaque côté, deux bâtiments de deux étages, surmontés d’un attique et qui s'appuient sur une série d'arcades formant galerie.
Si le plan avait pu être complètement exécuté, le Chapitre noble de l'Argentière aurait vraiment eu l'aspect d'un vaste palais d'allure vraiment royale.
On se mit rapidement au travail en commençant par la chapelle et le bâtiment ouest où devait loger la prieure.
Quand la Révolution éclate, la chapelle et les arcades sont réalisées, mais il manque les ailes.
Dans la liste des chanoinesses de l'Argentière figurent les plus grands noms de France, dont Lucile de Chateaubriand, la sœur de l'écrivain.
En vertu de l'ordonnance du pape Pie VI, il fut attribué la dignité d'abbaye aux trois prieurés dépendant autrefois de Savigny et Mme de Fenoyl devint alors abbesse de l'Argentière. Tout semblait présager un brillant avenir quand la tempête révolutionnaire balaya tout sur son passage.
L'assemblée constituante décréta le 11 février 1790 qu'elle ne reconnaissait plus les vœux monastiques et en conséquence, les ordres et congrégations étaient et demeuraient supprimés en France.
Mme de Fenoyl avait émigré en Suisse. Elle vint ensuite habiter chez sa sœur, Mme de Quinsonnas, où elle mourut.
Dans notre région, appelée « la Petite Vendée » durant ces années noires, de nombreuses familles eurent le périlleux honneur de cacher les prêtres réfractaires. Le curé d'Aveize et son vicaire (qui sera guillotiné) purent rester dans le pays, allant de ferme en ferme, des Esparcieux à Chenève, ou chez Guyot-Mato près de la Courtine (d'où le nom de la Croix Mato). La vieille ferme de Chenève, propriété des chanoinesses, affermée par la famille Mauvernay, était le refuge le plus habituel. Dans une chambre, on disait la messe, procédait à des baptêmes.
Le 5 décembre 1802, le Cardinal Joseph Fesch, oncle de l'empereur Napoléon 1er, prend possession de l'archevêché de Lyon. Pour lui, la priorité est de fonder des séminaires, car l’Église de France a besoin de prêtres.
C'est ainsi qu'il décide de fonder à l'Argentière le séminaire le plus distingué de France.
Au début de novembre 1804, 176 élèves prennent possession des lieux, ébahis par cette abbaye qui semblait un véritable palais, dans un cadre enchanteur. A la rentrée de 1809, tous les élèves de philosophie des autres établissements sont envoyés à l'Argentière et du coup, le nombre d'élèves dépasse les trois cents, puis 350 l'année suivante. La réputation de cet établissement est faite et devient nationale.
L'année 1824-1825, 477 élèves furent inscrits, rendant impérieux l’agrandissement des locaux. Le séminaire fut complètement achevé seulement en 1875.
Parmi les élèves de l'Argentière, nombreux devinrent évêques, cardinaux, poètes, écrivains, militaires de haut rang, etc.
Un autre élève devint Saint de l'église, Saint Jean Pierre Néel. Il est né en 1832 à Sainte Catherine sous Riverie, au hameau de Soleymieux. De 1853 à 1855, il fit ses classes de philosophie et de mathématiques à l'Argentière avant de partir en 1858 pour la mission de Koui-Tchéou, en Chine. Il sera décapité le 18 février 1862. Il a été béatifié le 27 mai 1900 par le pape Léon XIII et canonisé le 1er octobre 2000 par le pape Jean Paul II.
En 1844, par une belle journée d'hiver, eut lieu l'incendie du vieux chapitre. Il avait alors pour gardien un unique habitant, le père Gaulin, un vieillard paralytique qui logeait là par charité. Il mit lui-même le feu, sans faire attention et appela longtemps au secours sans être entendu ni pouvoir bouger. Ce jour-là, vers 9 heures du matin, un séminariste qui regardait par la fenêtre voit des flammes s'élever au dessus du vieux bâtiment. Tous les élèves s'élancèrent pour venir en aide au vieux monsieur, que l'on tira des flammes à moitié mort, tandis qu'une nuée de rats filaient dans la neige fraîche.
Seul reste aujourd'hui le portail d'entrée, autrefois protégé par un pont levis, remplacé en 1787 par le pont de pierre encore existant de nos jours.
Malgré les tristes jours de la période révolutionnaire, la Providence veillait sur la fondation d' Aymond de Coise et les nouvelles constructions ne furent pas trop atteintes. La noble façade, comme un palais inachevé, dominait toujours la vallée de la Brévenne.
Le 9 décembre 1905 : La loi de séparation des biens de l’Église et l’État est proclamée et en 1906, le séminaire ferme définitivement.
Pendant 10 ans, il est abandonné pour devenir en 1916 un lieu d'hospitalité pour les réfugiés venus du Nord, où sont soignées environ 960 personnes.
En 1925, les Hospices civils de Lyon louent le bâtiment et en font un asile pour infirmes et vieillards. L'hôpital du Vinatier y installe une annexe d'aliénés.
En 1942, nouvelle cessation d'activité avant de devenir un hôpital militaire en 1944-1945 où furent soignées environ 1000 personnes, dont de nombreux résistants inscrits sous de faux noms.
En 1950, l'Association Départementale de l'Accueil du Nord ouvre l'établissement pour les rapatriés et les malades tuberculeux de cette région. Pendant cette époque où il fut un sanatorium, il y eut de nombreux décès et des personnes se firent inhumer au cimetière de l'Argentière. C'est pourquoi on trouve sur des tombes des croix orthodoxes avec des inscriptions en caractères cyrilliques.
A partir de 1967, des travaux sont entrepris pour une reconversion vers de nouvelles thérapeutiques, comme l'installation d'un service de traumatisés crâniens en 1974, ou celles d'un service de réadaptation des brûlés.
En 1985, le Syndicat Intercommunautaire des Monts du Lyonnais (Simoly) devient propriétaire du Centre Médical de l'Argentière.
En 2006, Des contacts sont initiés entre l'Association de Gestion du Centre Médical de l'Argentière (AG-CMA) et la Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité (FCES) en vue d'une fusion des 2 structures et la mise en place d'un projet d'établissement.
En 2011, fusion de l'Association de Gestion du Centre Médical de l'Argentière et de la Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité, avec la signature d'un traité d'apport partiel d'actifs (TAPA).
Cet établissement est ainsi à un tournant dans sa longue histoire. Un projet ambitieux visant à le moderniser, via une nouvelle construction, est actuellement à l'étude. Souhaitons-lui un bel avenir, conscients qu'il rend d'énormes services à la population des Monts du Lyonnais et qu'il a aussi de grandes retombées en terme d'emplois.
Article rédigé par Jean-Claude Voute