Les vœux de la noblesse

Article de Jean-Claude Voute (Revue « Présence » n° 251 septembre 2017)

En 1273, le noble damoiseau Aymond de Coise est propriétaire d’un domaine à proximité des mines d’argent, au lieu-dit L’Argentière. Son frère, Hugues de Coise est chamarier de  l’abbaye de Savigny. Avant de décéder en mai, il rédige un testament où il souhaite offrir une éducation religieuse à des jeunes filles nobles, dont ses trois propres filles. Il lègue ainsi sa fortune qui devra être investie dans la construction d’un prieuré sur ses terres. Guilberte de Coise, sa fille aînée, sera ainsi la première prieure.

Les deux exécuteurs testamentaires du noble Damoiseau Aymond de Coise, Hugues son frère, et Jean de Pluvy, vont s’acquitter de toutes les formalités et choisir l’emplacement du nouveau monastère, avec l’archiprêtre de Courzieu et le docteur Nicolas, curé de St Pierre d’Aveize : entre la maison d’Aymond, la source du pré situé au-dessous du Châtelard et les vignes de Carementrant, actuellement lotissement des marronniers. Un petit ruisseau, la Coise, coulait au fond de ce vallon. Tout se fait sous la haute autorité de l’archevêque de Lyon, Primat des Gaules, Pierre de Tarentaise. Il sera élu pape en janvier 1276, sous le nom d’Innocent V, et mourra en juin 1276, après 5 mois de pontificat.

La construction terminée, elle avait vraiment l’air d’un petit château, et c’est ainsi qu’on l’appelait dans toute la contrée. Avec ses tourelles, ses hourds en bois, ses mâchicoulis, son pont-levis qui enjambait le ruisseau de Coise, ce monastère avait une belle allure féodale. La chapelle, d’un style simple et pur, était divisée en deux partie, le chœur étant réservé aux bénédictines, et la nef aux habitants du hameau. La grande ogive qui portait le clocher, magnifique, servait de séparation entre la nef et le chœur.

La fondation du monastère fut un bienfait pour le pays. Notre Dame de Coise en l’Argentière devint un lieu de pèlerinage fort fréquenté à une époque où il y avait peu de chemins carrossables. On y venait en procession, à pied, depuis Haute-Rivoire, St-Genis-l’Argentière, Souzy etc. En même temps, le monastère jouissait d’une autorité territoriale.  Les chanoinesses, mises sous la protection de Saint Benoît, rendaient la justice et percevaient la dîme.

Le modeste monastère érigé en Chapitre Noble par Louis XVI

Vers le milieu du XVIIIème siècle, elles ne sont que cinq en plus de la prieure, Mme du Bourg de Saint-Polgues : Mme Françoise de Rochemonteix, Mme Antoinette Éléonore des Gouttes de Cognes, Mme Antoinette-Louise de Thy, Mme Jeanne Marie de Charbonnet de Pélousac, et Mme Marie-Françoise l’Évêque de Bretteville. Une lettre de cachet du roi Louis XV faillit être fatale au monastère.

Le 21 mai 1776, un événement se produisit qui allait changer le cours des choses. Marie Madeleine de Gayardon de Fenoyl est reçue chanoinesse et devient prieure de l’Argentière. Grâce à ses relations, à l’influence dont elle jouit à la cour du roi, elle obtient de Louis XVI au mois de juin 1777, des lettres patentes qui érigent en Chapitre  Noble le modeste monastère. Pour en faire partie, il faut prouver huit degrés de noblesse du côté paternel et trois degrés du côté maternel. Les Dames sont donc toutes chanoinesses comtesses.
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Un architecte lyonnais est chargé de dresser les plans d’un nouvel édifice, un peu en dessous de l’actuel, sur le côté ouest du vallon de Coise. Monsieur, frère du roi, le futur Louis XVIII, se déclare protecteur du Chapitre, promet et donne, ainsi que Louis XVI, des sommes très importantes. On se mit rapidement au travail en commençant par la chapelle et le bâtiment ouest. L’autre partie à l’est de la chapelle fut achevée en 1787. En vertu de l’ordonnance du pape Pie VI, il fut attribué la dignité d’abbaye au Chapitre et Mme de Fenoyl devint alors Abbesse de l’Argentière. 

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Jusqu’à 83 nobles chanoinesses en 1789 ..
Chaque chanoinesse peut avoir deux femmes de chambre et recevoir chez elle. Elles sont toujours vêtues de noir, avec un ruban vert moiré fixé sur l’épaule auquel est attachée une belle croix d’or émaillé. Cette croix, genre croix de malte, véritable objet d’art, est presque conforme à celles que portaient les chanoines comtes de Lyon, et autorisée par Louis XVI. D’un côté l’inscription : comtesse de l’Argentière et Saint Benoît debout, et de l’autre l’inscription : Notre Dame de l’Argentière, fondée en 1273 avec une vierge debout.

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Ces avantages joints au prestige dont jouissait Mme de Fenoyl, firent affluer les candidatures. De 1777 à 1778, le nombre de chanoinesses passe de 6 à 18, et en 1780 il y en a déjà 59, pour s’établir à 83 en 1789.

Tout semblait présager un brillant avenir quand la tempête révolutionnaire balaya tout sur son passage. L’assemblée constituante décréta le 11 février 1790 qu’elle ne reconnaissait plus les vœux monastiques et en conséquence, les ordres et congrégations étaient et demeuraient supprimés en France.
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Heureusement, la belle chapelle et les deux bâtiments attenants ne subirent pas de dégradations. Ces bâtiments, élevés pour servir de maison de prière aux filles nobles des grandes familles de France allaient connaître une haute destinée. En 1804, le cardinal Fesch, oncle de Napoléon 1er, rachète le bâtiment pour en faire le séminaire le plus distingué de France, qui fermera en 1906.

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Ce lieu gardait ainsi son autorité spirituelle sur la région et sur le pays tout entier. La chapelle continue son œuvre pastorale, car, depuis le mois de mars, une messe est célébrée le premier lundi de chaque mois.

JVC