Histoire de l’abbé Jean Baptiste Gonon, vicaire d’Aveize, guillotiné à Feurs le 1er juillet 1794.
 
Jean Baptiste Gonon naît à Viricelles le 15 janvier 1756, fils d’un fermier, Jean Gonon et de Jeanne Blanc de Haute Rivoire. Ceux-ci exploitaient une ferme qui appartenait aux chanoines de Saint Chamond, qui possédaient nombre de propriétés à Chevrières, Grézieu le Marché, Viricelles ou Saint Denis sur Coise.
Il reçoit la tonsure le 9 juin 1781 et est ordonné prêtre, à 28 ans, le 5 juin 1784 par Monseigneur de Vienne. Il est de suite nommé vicaire à Aveize, auprès du curé Benoît Mure, qui se trouve là depuis 1770, et il y restera jusqu’en 1792, soit 8 ans de ministère dans ce beau village perché des Monts du Lyonnais. Mais la Révolution va éclater et les 3 dernières années passées à Aveize vont être de plus en plus tourmentées.
L’Assemblée Constituante s’arroge le droit de changer toute seule les institutions comme la religion. L’esprit populaire est nettement anticlérical. Plusieurs décrets vont dans ce sens, comme celui de la descente des cloches qui seront fondues, la loi contre les prêtres leur imposant l’émigration et leur interdisant le port de la soutane. Les églises ferment et les ecclésiastiques qui ne veulent pas prêter serment à la nouvelle constitution sont pourchassés et doivent s’exiler. Aux yeux des Constituants, évêques, curés et vicaires sont des fonctionnaires et ils ont le choix entre consentir au serment et ainsi rompre avec l’église catholique romaine ou refuser et perdre leur situation.
C’est ce que vont faire le curé d’Aveize et son vicaire, le dimanche 12 décembre 1790, du haut de la chaire, en introduisant dans la formule du serment, des restrictions de caractère spirituel inspirées par leur conscience.
Mais, en haut lieu, on ne reconnaît valable que la formule officielle pure et simple. Le serment prêté par Mr Mure et Mr Gonon n’est pas admis par le directoire de Rhône et Loire qui ordonne la convocation des électeurs d’Aveize pour les remplacer.
La municipalité d’Aveize dut faire la sourde oreille, car aucun remplaçant n’est désigné en 1791. Les électeurs aveizois finissent par désigner le vicaire de Panissières, puis celui de Saint Laurent de Chamousset, qui démissionnent tous les deux sans avoir mis les pieds sur leur paroisse d’Aveize. Faute de remplaçant constitutionnel, l’insermenté reste en place et c’est ce qui se passe à Aveize et dans quelques paroisses du voisinage.
 
Mais cette situation est très vite intenable. Tenus pour réfractaires et déchus par la loi, dénoncés au juge de paix du canton, ils sont soumis au décret de déportation, en vertu du serment dit de liberté – égalité. Ce serment, l’abbé Mure et l’abbé Gonon ne le prêteront pas et en septembre 1792, ils apprendront l’horreur des massacres de prêtres à Paris et Lyon. Il faut d’urgence prendre une décision. Le curé Mure opte pour l’exil. Il part pour Chambéry, alors ville du royaume de Piémont en compagnie du curé de Duerne et de celui de Montromant. Mais, dès le 22 septembre 1792, l’armée française pénètre en Savoie et occupe toute la province. Le curé Mure s’échappe et rejoint l’Italie où il s’installe à Pesaro, sur l’Adriatique, où il se fait passer pour un négociant. On estime à 30 000 le nombre de prêtres qui durent prendre le chemin de l’exil.
 
Mais l’abbé Gonon choisit de rester au pays et de continuer d’exercer son ministère. Il allait de ferme en ferme, pour dire la messe ou baptiser des enfants, au Glas, aux Esparcieux, à Orgeolle. La vieille ferme de Chenève, propriété des chanoinesses comtesses de l’Argentière et affermée par la famille Mauvernay, était son refuge habituel. Il mène pendant 2 ans cette vie faite de fatigue et de danger dans cette région des Monts du Lyonnais, alors appelée Petite Vendée, qui est étroitement surveillée par l’administration révolutionnaire qui a des agents et des espions partout. Il se faisait aider et accompagner par un frère originaire de Saint Symphorien sur Coise, Jean Antoine Martin. Plusieurs fois dénoncé, activement recherché par la gendarmerie, il trouva asile, avec son compagnon, à Chazelles, chez Mr Antoine Pupier, Directeur de la poste, qui vivait avec ses deux sœurs Reine et Marguerite au fond de la ville. Chazelles la Victoire, appelée ainsi sous la révolution, était une ville très attachée aux nouvelles règles et il ne faisait pas bon être curé ou religieux réfractaire. Un membre du comité de surveillance avait aperçu les deux fugitifs et le soir, un détachement de gardes nationaux arrête Gonon, Martin, Pupier et ses deux sœurs qui sont amenés à la municipalité le 25 juin 1794. Tous sont interrogés et le 30 juin, ils comparaissent devant le tribunal criminel de la Loire installé à Feurs. Gonon est la prise la plus importante, et les interrogatoires sont pour la forme. Selon la terrible loi du 21 octobre 1793, tout prêtre sujet à déportation trouvé sur le territoire de la république devait être jugé et mis à mort dans les 24 heures.
Le 1er juillet 1794, l’abbé Gonon et son fidèle compagnon furent donc guillotinés au soir, sur la place de Feurs, en face du perron de l’église. Le 5 juillet, Antoine Pupier et ses deux sœurs étaient aussi guillotinés pour recel d’ecclésiastiques. Ce même jour, à Paris, le dernier commandeur des hospitaliers de Chazelles, Gaspard de la Richardière de Besse, était lui aussi guillotiné.
La dépouille mutilée de l’intrépide vicaire d’Aveize fut jetée dans une fosse anonyme, située au pied de l’actuelle chapelle des martyrs. A l’intérieur de celle-ci sont inscrits les noms de personnes exécutées, dont Gonon, curé, et Pupier, de Chazelles sur Lyon.
 
(Jean-Claude Voute - Bulletin municipal 2021)

Photos : chapelle des martyrs à Feurs, liste des personnes exécutées, plaque dans l'église de Viricelles)
 

chapelle des martyrs, à Feurs, construite à la place de la fosse commune.jpg
à l_intérieur de la chapelle, la liste des personnes exécutées, dont le curé Gonon.jpg
plaque dans l_église de Viricelles.jpg